Les 4e sur les traces du Commerce triangulaire.
La traite des noirs, qui a sévi du 16ème au 19ème siècle, a laissé des traces sur les trois continents concernés. De la France, précisément des côtes de la Loire, plusieurs navires partaient remplis de pacotilles diverses qui seront troquées sur les côtes africaines contre des esclaves. Les sordides cargaisons traversaient l’Océan Atlantique et étaient ensuite déversées en Amérique, vendues comme mains-d’œuvre dans les plantations. Au retour vers l’Europe, les bateaux ramenaient des objets de luxe, sucre, tabac, coton, café, cacao, or... Plusieurs armateurs européens se sont ainsi enrichis sur le dos d’un peuple martyrisé. Ce sont les vestiges de ce business macabre que les élèves d’Anne Frank, sur l’initiative de leur professeur d’Histoire et Géographie, Daniel BANGUIYA , sont allés chercher à Nantes ce 12 juin 2018.
Le rendez-vous était pris très tôt le matin devant le collège, deux bus embarquèrent la soixantaine d’élèves et la dizaine d’accompagnateurs. La délégation est conduite par la Principale elle-même, madame Anne PANVIER. C’est une autre Anne qui accueillit les élèves à la première étape dans la ville chef-lieu de la Loire-Atlantique : Anne de Bretagne, toute en pierre, devant son château. La belle statue, juste à l’entrée du Château des ducs de Bretagne, reçut peu d’hommages, une fine pluie obligea tout le monde à s’engouffrer dans les méandres de cette grande bâtisse médiévale devenue le musée d’histoire de Nantes. C’est ici dans ces galeries somptueuses que sont conservés quelques outils de la tragédie : restes de bateaux, registres de bord, entraves d’esclaves, cordes et autres instruments de torture, planches, tableaux de reconstitution et même des intérieurs bourgeois de quelques une de ces centaines de familles ayant tiré profit du trafic. Divisés en deux groupes conduits par des guides expérimentées, les élèves, curieux et horrifiés, posaient des questions, semblaient mieux comprendre ce qu’ils avaient déjà écrit dans leurs cahiers. << C’est juste horrible de voir comment les noirs étaient torturés et travaillaient dans de mauvaises conditions >> s’exclama Ayele-Kyria de la 4e3. Mayass de 4e2 se rendit compte que << les conditions de transport des esclaves à travers l’océan Atlantique étaient vraiment invivables et déplorables. Certains mouraient ou se suicidaient >>. Et oui ! C’était à ce prix qu’on mangeait du sucre en Europe comme l’écrivit si bien Voltaire dans le "Nègre de Surinam" (Zadig). A propos du sucre, les élèves ont pu admirer l’exposition de l’artiste canadien d’origine congolaise Moridja Kitenge Banza , qui reproduit une cargaison négrière avec à la place des corps humains, de petites cuillère de décès...pardon de dessert.
L’excursion se poursuivit sur l’île de Feydeau, dans le centre de Nantes, où d’anciennes demeures de richissimes familles négrières ont permis aux élèves de toucher un peu plus de doigt la triste réalité. Enfin, à quelques dizaines de mètres de là, le Mémorial de l’esclavage ! Tapissé de petits verres de carreaux incrustés des noms des bateaux négriers, le chemin du Mémorial conduit au sous-sol. Là, au bord de la Loire, le mot "liberté" est inscrit en toutes les langues, à côtés de textes, de phrases de combattants célèbres pour la liberté du peuple noir : Martin LUTHER-KING, Nelson MENDELA, Rosa PARK, Marcus GARVEY...Dessinés ou écrits sur le mur vers la sortie du tunnel, des flèches, des continents, des chiffres. Au total, près de trois heures d’immersion dans un monde terrifiant. Au-delà des objectifs pédagogiques, ce sont les réflexions que ce retour douloureux vers le passé a pu susciter chez les enfants qui montrent leur degré de sensibilisation. L’un d’eux voulut savoir si l’esclavage a totalement disparu aujourd’hui.
Encadrement : Anne PANVIER, Brigitte OMI, Mélanie KATIENON, Daniel BANGUIYA, Thibaut LE MOAL, Pascal Jimmy RAMSAMY, Doucis AISSI, Régis YTIER, Sophie BACQUET
Texte écrit par M. Doucis AISSI, professeur de lettres modernes.
Photos : Brigitte Omi
Pour en savoir plus :